Niger-France : Rupture des Relations et Retrait du Permis d'Exploitation Uranifère d'ORANO
Comme on le sait, depuis onze mois, le Niger et la France ne filent plus le parfait amour, les Etats ayant rompu leurs relations diplomatiques depuis les événements du 26 juillet 2023. En effet, Paris n’avait guère cautionné le renversement de Mohamed Bazoum qui était, avec Mahamat Idriss Déby, un de ses sûrs alliés au Sahel, et avait même instrumentalisé la Cedeao pour une intervention militaire contre le Niger. Alors, les nouvelles autorités de Niamey avaient dénoncé les différents accords de défense et de coopération militaire en vigueur entre les deux Etats. Niamey avait également déclaré persona non grata l’Ambassadeur de France au Niger, sommé de quitter le territoire nigérien dans les plus brefs délais. Les nouvelles autorités du Niger avaient aussi demandé à la France de rapatrier ses troupes du Niger.
Mais, jusque-là, les accords miniers pour l’exploitation de l’uranium par la firme ORANO étaient demeurés intacts, en dépit des fortes pressions de la Société civile pour une dénonciation desdits accords. Or, ces derniers temps, les choses semblent aller plus vite, avec en premier lieu, l’expulsion, illico presto, par le Ministère des Mines, de la direction d’ORANO/Niger de l’immeuble situé à côté de la Mosquée Amir Sultan de Niamey, où elle avait son siège social, immeuble qu’ORANO a construit d’ailleurs pour le compte de l’Etat du Niger afin d’y abriter toutes les sociétés minières du pays. Le 20 juin dernier, le Ministre des Mines, le Commissaire-Colonel Abarchi Ousmane, a adressé à la direction générale de la Société IMOURAREN une correspondance de la décision de retrait du Permis d’exploitation du périmètre d’Imouraren, octroyé en 2009 à AREVA, à l’époque.
Après quinze années, la mise en exploitation de ce site uranifère n’était toujours pas intervenue, en dépit des sommations incessantes de la partie nigérienne pour demander à cette société de lancer les travaux d’exploitation du périmètre en question. Finalement, de guerre lasse, l’Etat du Niger n’avait plus d’autre choix que de procéder, purement et simplement, au retrait de ce permis des mains de la Société IMOURAREN pour le remettre dans le domaine public national. On sait également qu’ORANO avait décidé, unilatéralement, de fermer, en 2021, le site de la COMINAK, après cinquante ans d’exploitation, sans aucune raison valable.
Aujourd’hui, la question que tout le monde se pose est celle de savoir si ORANO est encore le bienvenu au Niger, surtout à l’heure du souverainisme en son printemps ‘’labou sannistes’’. Dans quelques mois, l’on saura si l’Etat du Niger va rester lié à cette firme française, dans la mesure où les relations entre notre pays et la France vont de mal en pis. Et si cette éventualité arrivait, ce serait à de nouveaux partenaires que l’Etat du Niger confierait l’exploitation de l’uranium. Les noms de deux puissances sont annoncés : la Chine et la Russie. Il faudrait préciser qu’en vertu de la convention internationale sur la sûreté nucléaire, seule une puissance nucléaire est autorisée à exploiter un site uranifère dans le monde.
Or, la Chine et la Russie, actuellement deux partenaires stratégiques du Niger, satisfont parfaitement à cette condition, puisque ces deux Etats sont des puissances nucléaires. Ainsi, les sites de la Somaïr et d’Imouraren, à défaut d’être nationalisés pour les raisons ci-dessous évoquées, pourraient échoir à ces deux puissances. Même dans ce doublé gagnant, l’avantage irait à la Russie à cause de la haute technologie nucléaire et surtout de la présence militaire de ce pays au Niger. Il faut rappeler aussi que la Russie est un pays producteur d’uranium et qui dispose de la technologie de la fusion nucléaire qui la place dans le peloton de tête des puissances nucléaires, loin devant la Chine et la France, en concurrence avec les Etats-Unis d’Amérique.
Ce serait alors un gros coup dur pour l’Occident, si la Russie s’emparait des gisements uranifères nigériens, lorsque l’on sait que les réserves du Niger sont parmi les plus élevées au monde. Particulièrement pour l’Europe, déjà largement dépendante du gaz et pétrole russes, et si en plus, pour l’approvisionnement de ses centrales nucléaires, elle devait se tourner vers la Russie poutinienne, la situation deviendrait encore plus compliquée pour elle pour son indépendance énergétique.
Voilà, en fait, les difficultés en perspective pour l’Europe qui dépend, en grande partie, de l’uranium nigérien via la France ! Mais, tout cela est le résultat logique de l’attitude paternaliste d’ORANO au Niger qui n’aura jamais su asseoir un partenariat gagnantgagnant, depuis plus d’un demi-siècle d’exploitation uranifère dans ce pays classé parmi les plus pauvres de la planète.
Aujourd’hui, la France n’a plus que ses yeux pour pleurer pour n’avoir pas su se montrer assez sérieux dans le partenariat avec le Niger qu’il a toujours traité avec une certaine condescendance !
Halidou Maiga (Le Monde d’Aujourd’hui)