« Parce que je n’avais pas d’acte de naissance, je n’ai pas pu m’engager dans l’armée et j’ai raté beaucoup d’occasions dans ma vie ! » : la déclaration de naissance, un acte simple pour saisir toutes les opportunités de la vie !
Chaque naissance est, dit-on, une bénédiction ! On pourrait ajouter aussi que la déclarer dans les délais légaux est un droit fondamental pour chaque enfant, afin qu’il puisse véritablement saisir toutes les opportunités que la vie lui offre. L’enregistrement des naissances, un acte gratuit et simple, offre en effet à chaque enfant une identité légale et un avenir rempli de possibilités. Son défaut peut être source de difficultés dans la vie, comme les péripéties vécues par Mahamadou, Imrane et Saminou, qui nous racontent dans ce reportage leurs mauvaises expériences vécues pour défaut du précieux sésame qui donne droit à tous les autres droits et constitue de ce fait un droit fondamental pour chaque enfant.
« Pour défaut d’acte de naissance et donc de carte d’identité, je n’ai pas pu m’engager dans les forces armées. Mon cousin du village a dû utiliser celle de son frère et par la suite, j’ai rencontré beaucoup de difficultés qui m’ont poussé tardivement à retourner chez moi pour me faire établir un jugement supplétif ! ». À 32 ans, Mahamadou Dan Tahirou a du mal à se rappeler les opportunités qu’il a manquées ainsi que les difficultés qu’il a éprouvées pendant une longue période de sa vie pour une formalité simple que ses parents auraient pu accomplir à sa naissance et même un peu après. À leur décharge peut-être, les parents vivaient dans un village reculé de Dan Issa, dans la région de Maradi, qui ne disposait même pas encore d’une école. « Je n’ai pas été inscrit à l’école parce qu’il n’y en avait pas dans mon village, donc mes parents ne voyaient pas l’utilité d’un tel papier », tente de justifier Mahamadou.
Aujourd’hui, il vit à Niamey depuis presque cinq (05) ans maintenant. Avant, il a tenté l’exode au Nigeria voisin et c’est depuis qu’il a compris l’importance de la déclaration de naissance qui donne droit à une carte d’identité et à bénéficier de tous les autres droits. « J’ai vraiment souffert au Nigeria, où j’ai vécu pendant au moins trois ans parce que je n’avais pas de carte d’identité et pour dire aucun papier qui me permettait de m’identifier auprès des autorités ». En plus des tracasseries à la frontière et policières dans le pays voisin, Mahamadou affirme avoir beaucoup dépensé et surtout raté des occasions de se faire engager même comme simple manœuvre dans une entreprise spécialisée dans le BTP. « À chaque fois, on me demandait une pièce d’identité par manque de confiance et comme je n’en avais pas, je n’ai pas pu profiter de toutes les occasions qui s’offraient à moi ». Après cette douloureuse expérience au Nigeria qui a fini par l’exaspérer, Mahamadou est revenu au Niger pour tenter de s’engager dans les forces de sécurité. « Je n’ai pas pu me faire recruter parce qu’il y avait un doute sur mon véritable âge et il n’y avait aucune pièce d’identité pour le confirmer. Mon cousin du village a lui utilisé des papiers de son frère pour se faire engager parce qu’il n’y avait pas assez de doute pour son âge ! », confie-t-il presque avec une certaine once de regret alors qu’il continuait de servir un client qui a commandé un verre de café.
Des opportunités ratées et des difficultés de la vie par défaut de pièces d’identité
Depuis quelques années, il y a trois ans maintenant, Mahamadou s’est fait établir un jugement supplétif, ce qui lui a permis d’obtenir une carte d’identité. Après sa mésaventure au Nigeria, dont il ne parle visiblement pas, ainsi que sa déconvenue lors du recrutement raté dans les forces armées, il s’est résolu à tenter sa chance au pays, à Niamey la capitale plus précisément. « Je pensais que c’est parce qu’au Nigeria, ce n’était pas mon pays que j’éprouvais toutes ces difficultés à cause du défaut de pièces d’identité. Cependant, au Niger aussi, j’ai vécu trop de calvaire à commencer par le voyage de Maradi à Niamey où à chaque poste de contrôle, il a fallu payer une amende parce qu’on me prenait pour un étranger vu que j’avais un accent haoussa du Nigeria », confesse-t-il. Cependant, les galères de Mahamadou ont continué car en plus d’avoir dû payer des sommes qui lui paraissaient astronomiques pour son budget aux postes de contrôle, il a été à plusieurs reprises obligé de payer 4.000 FCFA à Niamey chaque fois que la police l’a arrêté la nuit pour « défaut d’identité ». En fin de compte, et exaspéré par cette situation, il a décidé de puiser dans ses économies pour retourner au village afin de se faire établir un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance. « Cela a pris assez de temps et beaucoup de procédures à la justice, mais ça en valait la peine car désormais je suis plus tranquille », affirme-t-il avec une certaine fierté en exhibant la carte d’identité qu’il s’est fait établir par la suite et qu’il garde jalousement sur lui, empaquetée dans un plastique caché dans un coin de son commerce.
La déclaration de naissance : un acte nécessaire pour une vie quotidienne sereine
Comme Mahamadou, le jeune Imrane Salissou, 17 ans, a lui aussi vécu des difficultés à cause du défaut de carte de séjour. À vrai dire, il est en train de vivre ces difficultés car lui aussi n’a pas été déclaré par ses parents à sa naissance et donc ne dispose d’aucune pièce pour se faire établir une carte d’identité. « À cause de ça, je me fais chaque fois ramasser par la police, surtout que je travaille au marché de nuit de Yantala où les patrouilles des forces de sécurité sont régulières ». Originaire de Tahoua, il « se cherche », comme il dit, à Niamey en faisant les petits boulots qui tombent sous la main. « J’ai travaillé dans un garage où un projet finançait les jeunes déscolarisés pour parfaire leurs compétences et obtenir des diplômes, mais parce que je n’ai pas de pièces d’identité, je n’ai pas été retenu », reconnaît-il avant d’assurer qu’il se fera établir ses papiers d’identité dans les brefs délais. « Mes parents avaient l’occasion de le faire, mais ils n’ont pas jugé utile de le faire à temps et aujourd’hui, j’en paie les conséquences », nous a-t-il affirmé.
Pour Saminou Hamza, apprenti-menuisier, le problème est tout autre. « Assez régulièrement, je suis obligé d’acheter une nouvelle puce GSM car elle est fréquemment désactivée du fait que je n’ai pas pu m’identifier avec une carte d’identité que je ne peux avoir parce que je n’ai pas d’acte de naissance ou de certificat de nationalité », s’insurge-t-il avant d’ajouter que « maintenant même au village, ils savent l’utilité de déclarer les naissances et d’avoir un acte pour chaque enfant, car c’est avec ça qu’il pourra être inscrit à l’école et par la suite voyager et faire toutes les choses de la vie, comme par exemple retirer de l’argent dans une agence de transfert ».
La campagne d’enregistrement des naissances « Hakin Yara » pour garantir le droit de chaque enfant à une identité
En 2009 au Niger, un enfant sur deux (1/2) n’était pas déclaré dans les délais légaux à sa naissance. Conscientes des enjeux, les autorités, en partenariat avec l’UNICEF et avec le soutien financier de l’UE, ont mis en œuvre un vaste et ambitieux Programme d’Appui à la Réforme de l’État Civil. Grâce aux efforts déployés, 63% des enfants nés au Niger en 2023 sont déclarés et disposent de leurs papiers d’état civil. Pour soutenir ces efforts et permettre au Niger d’atteindre l’objectif qu’il a souscrit dans les Objectifs de Développement Durable (ODD2030), notamment l’indicateur 16.9 qui consiste à « garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l'enregistrement des naissances », le gouvernement, à travers la Direction générale de l’État civil, des Migrations et des Réfugiés (DGEC/M/R) du Ministère de l’Intérieur, a lancé, le 28 juin 2024 à Niamey, une vaste campagne d’enregistrement des naissances pour déclarer et délivrer l’acte de naissance à au moins un (1) million d’enfants à l'état civil d’ici fin 2024. L’initiative, déployée en collaboration avec l’UNICEF et avec le soutien financier de l’Union européenne (UE), vise à rehausser le taux d’enregistrement des naissances à 87% et, au-delà, à susciter une véritable prise de conscience pour une déclaration systématique des faits de l’état civil, dont l'enregistrement des enfants dans les délais légaux. Pour que chaque enfant puisse être déclaré dans les délais légaux et disposer de son acte de naissance qui lui permettra de jouir de tous les droits comme l’éducation ou la santé et ainsi de saisir toutes les opportunités que lui offrira par la suite la vie !
A. Karim (actuniger.com)