Santé: De la trop bonne chère à la goutte…
La goutte est une forme d'arthrite qui provoque des crises récurrentes. Savez-vous comment reconnaître la crise de goutte et la prendre en charge ?
Une crise de goutte, qu’est-ce que c’est ?
La goutte est une forme particulière d’arthrite qui provoque des crises récurrentes de vives douleurs à une ou quelques articulations. Habituellement, les crises de goutte durent quelques jours, puis les symptômes disparaissent pour plusieurs semaines. Toutes les articulations sont susceptibles d’être touchées, mais le plus souvent, la maladie se déclare d’abord dans celle située à la base du gros orteil. L’articulation devient alors rouge violacé et enflée.
Un taux anormalement élevé d’acide urique dans le sang, un état appelé hyperuricémie, est à l’origine de la goutte. L’acide urique est l’un des déchets que le métabolisme du corps produit normalement. Lorsqu’il y a un excédent, l’acide urique se dépose graduellement dans l’organisme sous forme de cristaux, entre autres dans les articulations. Ces dépôts déclenchent des réactions inflammatoires
La goutte touche près de 2 % des adultes, et surtout des hommes1. La première crise survient normalement vers l’âge de 30 ans à 45 ans pour les hommes, et après la ménopause pour les femmes.
De la trop bonne chère à la goutte…
Voici ce qui se produit dans le corps d’une personne atteinte. L’acide urique est, en quelque sorte, un déchet que le corps doit éliminer. Il est le produit final de la dégradation des purines. Environ les deux tiers des purines à éliminer chaque jour proviennent des cellules mortes du corps, et le tiers des aliments ingérés2. La viande rouge, le gibier et les fruits de mer, par exemple, sont très riches en purines.
Il est normal qu’une certaine quantité d’acide urique soit en circulation dans le sang. Cependant, si l’acide urique est présent en trop grande quantité et que les reins ne réussissent pas à éliminer cet excédent, sa concentration sanguine augmente. Le corps est alors en hyperuricémie.
Avec les années, l’excédent d’acide urique se dépose dans les tissus sous forme de cristaux d’urate de sodium. Les dépôts se forment dans les articulations ou ailleurs dans le corps (sous la peau, dans les cartilages, dans les reins, etc.). Les globules blancs tentent ensuite de s’en débarrasser en les « mangeant » par phagocytose. Or, de ce fait, les cristaux endommagent les globules blancs, ce qui déclenche une violente inflammation qui dure jusqu’à 2 semaines, si elle n’est pas traitée.
Pour des raisons qu’on ignore, l’hyperuricémie ne provoque pas toujours de symptômes. En effet, seulement le tiers des gens en état d’hyperuricémie ont la goutte1. On estime que de 5 % à 10 % de la population adulte serait hyperuricémique.
Différente de la pseudogoutte
La pseudogoutte est une autre maladie arthritique qui s’apparente beaucoup à la goutte (pseudo signifie similaire). Elle provoque aussi des crises de vives douleurs articulaires et d’enflure dans une articulation.
Ces crises sont également causées par la formation et le dépôt de cristaux dans l’articulation touchée. Cependant, les cristaux sont différents : il s’agit de cristaux de pyrophosphate de calcium.
La pseudogoutte touche environ 3 % des gens dans la soixantaine. Avec l’âge, le cartilage articulaire peut se calcifier à certains endroits. Il semble que chez certaines personnes, des cristaux de calcium se détachent du cartilage, causent de l’inflammation et détruisent des structures articulaires. L’analyse d’un échantillon de liquide synovial (dans lequel baigne l’articulation) aide le médecin à distinguer ces 2 types d’arthrite.
Les symptômes de la goutte
Une douleur soudaine, intense et pulsatile dans une articulation ;
Les crises surviennent surtout la nuit. Les articulations situées aux extrémités des membres sont plus sensibles que les autres, notamment parce qu’elles sont plus froides. Le froid peut causer la transformation de l’acide urique liquide en cristaux d’acide urique.
une enflure et une rougeur de la région atteinte ;
une grande sensation de froid à l’articulation atteinte ;
rarement, des douleurs articulaires généralisées, accompagnées d’un malaise général, de fièvre (jusqu’à 39 °C) et de frissons. Dans ce cas, se présenter d’urgence à l’hôpital.
Causes de la goutte
Drôles de noms ! Le mot « goutte » a été choisi pour l’image de l’écoulement « goutte à goutte » d’un liquide nocif dans les articulations et les organes. On a aussi appelé cette maladie « podagre », du grec podos (pied) et agra (prise), pour signifier que la douleur « prenait par le pied ». Le terme podagre est encore utilisé en médecine, lorsque la crise touche le gros orteil.
Les excès de table, s’ils sont fréquents, et l’abus d’alcool (surtout de bière, de whisky, de gin, de vodka ou de rhum), en sont les principaux facteurs de risque.
Hippocrate, le « père » de la médecine, qui a vécu en Grèce au Ve siècle avant J.-C., avait déjà remarqué que la goutte touchait surtout les bons vivants. Elle était autrefois appelée « la maladie des rois » ou « la maladie des riches », en raison des repas pantagruéliques et bien arrosés qu’eux seuls avaient les moyens de se permettre. De ce fait, on sait depuis longtemps que les plaisirs de la table sont reliés à cette maladie.
Plus rarement, la maladie peut être d’origine héréditaire ou être causée par un médicament ou par une autre maladie.
Les facteurs de risque de la goutte
Voici quelques facteurs qui contribuent à l’augmentation de la production d’acide urique ou à la diminution de son excrétion.
Le stress
Il épuise les substances antioxydantes de l’organisme. Les radicaux libres attaquent alors davantage les cellules et précipitent la mort cellulaire (entraînant la formation d’acide urique).
Les excès alimentaires
Surtout les excès de protéines issues d’abats, de viandes blanches et rouges, de poisson et de fruits de mer. De même, un apport calorique qui excède constamment les besoins de l’organisme augmente le taux sanguin d’acide urique.
L’abus d’alcool
La moitié des personnes qui souffrent de la goutte auraient de mauvaises habitudes de consommation d’alcool. L’éthanol augmente la production d’acide urique (sans avoir d’effet sur son excrétion). La bière est la boisson alcoolique qui élève le plus le taux d’acide urique.
Les personnes à risque à la goutte
Les hommes, probablement parce que dès la puberté, leur taux d’acide urique sanguin est naturellement plus élevé que celui des femmes. Par contre, à la ménopause, les femmes ont un taux d’acide urique semblable à celui des hommes, et l’écart entre les sexes s’amoindrit. Avant la ménopause, les hormones oestrogènes activent l’élimination de l’acide urique par les reins.
Les individus atteints de l’un ou l’autre des problèmes de santé suivants : une maladie des reins (calculs rénaux, insuffisance rénale), de l’hypertension, le syndrome métabolique, le diabète, l’obésité, l’hypercholestérolémie ou un rétrécissement de l’ouverture des artères (athérosclérose).
Les personnes qui prennent certains médicaments, comme les diurétiques et l’aspirine prise régulièrement à faible dose.
Les personnes qui ont des antécédents familiaux de goutte. Un problème métabolique héréditaire pourrait engendrer une production excessive d’acide urique dans le corps.
Complications possibles de la goutte
Cela est rare de nos jours, mais si la goutte n’est pas traitée adéquatement, la fréquence des crises et le nombre d’articulations atteintes tendent à augmenter avec le temps. L’arthrite peut alors s’installer de façon chronique dans plusieurs articulations (genoux, chevilles, poignets, coudes, etc.).
Des dépôts de cristaux peuvent se créer sous la peau : on les nomme tophi (ou tophus, au singulier). Ils apparaissent sur le bord extérieur de l’oreille, sur les coudes, sur les doigts, sur les orteils et près du tendon d’Achille. Ils peuvent endommager les tendons.
En cas de négligence vis-à-vis des traitements, l’excès d’acide urique peut aussi se déposer dans les reins, bloquer ses fins canaux et causer des calculs rénaux ou de l’insuffisance rénale.
Évolution de la goutte
Puisque la goutte est mieux connue aujourd’hui et qu’on dispose de plusieurs moyens de la contrôler, la qualité de vie des personnes qui en souffrent s’est grandement améliorée. Grâce à un diagnostic et à un traitement précoces, il y a moyen de réduire le nombre de crises et de prévenir les dommages permanents aux articulations.
En l’absence de traitement, la première crise disparaît spontanément en 1 à 2 semaines. Durant les premières 24 à 36 heures, les douleurs sont intenses. La moindre pression sur l’articulation est insupportable, et il peut même être impossible d’enfiler un bas. Par contre, si la crise est traitée rapidement, elle dure de 1 à 2 jours. Souvent, une nouvelle crise se déclenche de 6 mois à 2 ans plus tard. Seule une faible proportion des personnes atteintes n’aura qu’une attaque de goutte au cours de sa vie.
Diagnostic de la goutte
Selon le cas, le médecin aura recours à l’un ou l’autre des types de prélèvement suivants :
prise de sang : mesure du taux d’acide urique dans le sang (uricémie) ;
échantillon d’urine : évaluation de la quantité d’acide urique excrétée par les reins ;
ponction du liquide synovial de l’articulation atteinte : recherche de cristaux d’acide urique, pour confirmer le diagnostic. Les cristaux d’acide urique ne sont pas détectables par des examens de radiologie (rayons X ou autres), mais sont visibles au microscope dans un échantillon de liquide synovial.
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