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Pratiques esclavagistes et discriminatoire au Niger : Les enfants talibés victimes d’un esclavagisme contemporain !

Écrit par Direct niger. Affichages : 301Publié dans Société

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Aujourd’hui, c’est truisme de le dire, dans nos sociétés, le phénomène de la mendicité forcée prend de plus en plus d’ampleur et s’apparente à une forme moderne de pratiques esclavagistes exercées sur des jeunes enfants surnommés des « talibés » par leurs maîtres coraniques. Ils sont nombreux ces jeunes talibés rencontrés à longueur de journée dans tous les coins et recoins de la capitale Niamey en train de s’adonner à la mendicité. Et, le plus souvent, ce sont de très jeunes enfants dont les âges varient entre 6 à 10 ans, exposés à toutes sortes aléas et dangers dans l’indifférence totale de leurs maîtres, qui pourtant ont pris l’engagement à leurs parents de leur transmettre le savoir coranique et l’éducation religieuse.

Plus portés par des activités lucratives, notamment le « charlatanisme », le « maraboutisme » etc., les maitres marabouts sont peu ou pas du tout préoccupés par les conditions de vie et d’étude des enfants qui leur sont confiés. Ces derniers sont obligés de mendier afin de se procurer de leur pitance quotidienne. Pire, ils leur imposent un quota d’argent à amener chaque soir. 

S’agissant de leur apprentissage du coran, ils sont confiés aux grands talibés, qui en plus de récupérer le quota d’argent issu de la mendicité. Profitant de leur statut de « grands talibés », ils maltraitent, agressent et infligent des châtiments corporels sur ces jeunes talibés le plus souvent au et au su du grand marabout, lorsqu’ils n’arrivent à verser leur quote-part. Ces pratiques dégradantes sont malheureusement considérées comme faisant partie des étapes de l’apprentissage, dédouanant, aux yeux de la société, auteurs des sévices corporels sur les talibés.

 « Chaque samedi, je reçois chez moi deux jeunes talibés qui viennent me proposer leurs services pour laver mes vêtements et ceux des enfants.  En plus de les offrir à manger, je leur paye 2000 F. Ils sont nombreux, ces jeunes talibés qui exercent ces petits contrats dans les ménages. » ; confie madame Adamou Rakia, fonctionnaire.

Interrogé sur cette pratique de mendicité, Dabdjé, un jeune talibé, âgé de 11 ans, regard fuyant, déclare qu’il est obligé de se débrouiller pour trouver de l’argent pour amener au grand marabout sinon c’est la punition. Le pire, poursuit-il son témoignage, « c’est que nous sommes laissés à nous-mêmes, sans soins lorsqu’on est malade et de fois c’est à peine que nous mangeons. Ici, c’est la solidarité qui nous maintient. Mon rêve, c’est d’assimiler le coran. Mais avec cette vie que nous menons, je ne vois pas le bout du tunnel »

Si certains jeunes talibés préfèrent s’adonner aux petites tâches ménagères, d’autres par contre sont très visibles aux bords des marchés attendant le moindre client pour lui porter ses emplettes.

Inoussa et Hamado, deux jeunes talibés, gourdins accrochés au cou, assis sur le pavé du marché wadata, les yeux éparpillés à la recherche d’un potentiel client, témoignent : « Nous venons tous les jours dans ce marché pour servir de dockers afin de trouver non seulement de quoi nous acheter quelques habits mais surtout pour apporter notre quote part au marabout. Tous les talibés sont conscients de ce fait et doivent s’acquitter de cette somme qui varie de 300 f à 500 f. Pour l’apprentissage on le fait généralement la nuit ou au petit matin. Le reste du temps est consacré à la recherche de notre pain quotidien et de l’argent à verser au marabout ».

Bien entendu, chez les marabouts, on réfute toutes les accusations. Alpha Tahirou, résident temporaire au quartier Bassora de Niamey, qui tient une cinquantaine de talibés confiés à lui se défend : « Cela plus 20 ans que j’enseigne le coran aux jeunes talibés et pendant tous ces temps, je n’ai jamais entendu ou vu un marabout demander à son apprenant de lui verser chaque jour une somme forfaitaire. Que Dieu nous en garde. Ces enfants que vous voyez avec nous sont la plupart les nôtres, car nous connaissons leurs parents qui nous sont proches. Alors comment allons briser la confiance que leurs parents ont placé en nous. Il faut faire surtout attention, un enfant talibé est quelqu’un de très doué et espiègle. Ils sont capables d’inventer toutes sortes de stratagèmes pour trouver de quoi rentrer, le soir, au bercail. Je peux dire qu’ils se lancent de défis et souvent à l’insu du marabout ».

Devant de telles pratiques ignobles que vivent les jeunes talibés, assimilables à de l’esclavagisme contemporain, il y a lieu que des mesures conservatoires soient prises pour non seulement endiguer ce phénomène de mendicité, mais aussi traduire devant les tribunaux les principaux auteurs qui se cachent derrière cette pratique malsaine, dégradante et humiliante pour la dignité humaine. Ceci sans perdre de vue que l’objectif poursuivi à travers cet enseignement coranique informel n’est pas généralement atteint. Car, au lieu de devenir des grands érudits, utiles pour la Nation et la Société, ces talibés vont, pour la part, aller malheureusement grossir le cercle de la délinquance et du banditisme.  C’est pourquoi, nous encourageons à l’application de toutes les mesures significatives prises pour éradiquer toutes les formes de pratiques esclavagistes et discriminatoires, dont entre autres : la loi pour prévenir et lutter contre la traite d’êtres humains, y compris la traite à des fins d’esclavage et des pratiques esclavagistes, les articles contenus dans le Code du Travail qui interdisent le travail forcé et les pires formes du travail des enfants. Ces engagements traduisent la volonté du gouvernement de respecter ses obligations internationales à l’égard des droits de l’homme.

S’agissant des associations dont le mandat est de lutter contre toutes formes d’esclavagisme et pratiques discriminatoires, elles peuvent engager des poursuites en vertu du Code Pénal. Comme ce fut le cas de plusieurs personnes condamnées pour pratiques esclavagistes dans notre pays. A ce titre, nous demandons aussi à ces associations de s’intéresser davantage à la pratique d’esclave moderne qu’est celle du phénomène de la mendicité, principalement celui des « jeunes talibés », qui est pourtant interdite par notre législation.

 

Chaibou Boubakar, DirectNiger

 

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