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Politique

An 1 du CNSP au pouvoir : Forces, faiblesses, succès, échecs, acquis, insuffisances, promesses tenues et non-tenues, engagements honorés et non-honorés...

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Le 26 juillet prochain (2024), le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) aura un (1) an à la tête du pays. Que retenir de son Action ? Difficile de répondre à cette question, sans pour autant évoquer les raisons qui ont présidé à ce coup d’Etat.

Retour à la première déclaration publique du tombeur du régime démocratique du président Bazoum. Dans celle-ci livrée le 28 juillet 2023, soit 48 heures après le coup d’Etat, le Général de Brigade Tiani Abdourahamane Président CNSP, Chef de l’Etat a donné les raisons de cette 5ème irruption de l’armée sur la scène politique nigérienne. Il s’agit, a-t-il martelé, d’un part, de « la dégradation continue de la situation sécuritaire » et, d’autre part, de « la mauvaise gouvernance économique et social ».


De façon plus détaillée, sur la situation sécuritaire, il a évoqué notamment : « la libération extrajudiciaire de plusieurs chefs terroristes sans garantie aucune » ; « la libération de bandits lourdement armées pris sur un théâtre d’opération militaire au simple motif qu’ils seraient des acquis » ; le « recrutement et ( …) détournement à des fins politiciennes de plusieurs centaines d’éléments FDS (Forces de Défense et de Sécurité) en dehors du cadre militaire traditionnel », pour ainsi dire la constitution d’une milice pour assouvir des intérêts personnels ; et « une approche de lutte contre le terrorisme qui exclut le Mali et le Burkina Faso qui partagent avec le Niger la zone de Liptako Gourma dans laquelle se concentre l’essentiel des activités terroristes ». Aussi, le Général de Brigade Tiani Abdourahamane s’est-il indigné des propos de son prédécesseur, commandant en chef de son état, soutenant, à la face du monde, que « ses soldats en train de se battre au prix de leurs vies sont moins forts et moins aguerris que les terroristes ».


Au plan économique et social, le Président du CNSP a déploré la situation des finances publiques, celles des secteurs de l’éducation et de la santé, l’ampleur des détournements des deniers publics, de la corruption, de l’impunité, du népotisme et des difficultés auxquelles font face les Nigériens au quotidien ; « autant de défis sur lesquels le régime déchu a montré ses limites », a-t-il souligné

Qu’en est-il de ces griefs ? Sont-ils fondés ? Sont-ils aujourd’hui (soit 1 an après leurs dénonciations) derrière nous ?


Dans un pays où tout est prioritaire, trouver des arguments contre la gouvernance n’est pas un exercice difficile. Bien plus, les raisons ci-dessus évoquées par le Général Tiani Abdourahamane, principalement sur la question sécuritaire, sont gravissimes. Un (1) an après leurs dénonciations, sont-ils derrière nous ?
Sur une telle période, c’est trop tôt et hasardeux de juger l’action du CNSP. Toutefois, celle-ci peut faire l’objet d’une évaluation, non sans tenir compte du contexte.

Un Niger isolé et placé sous asphyxie total, voilà l’état dans lequel le Niger a évolué du 26 juillet 2023 au 24 février 2024.


Menace d’intervention militaire, Gel des avoirs du pays au niveau de la BCEAO, interdiction pour tout membre de la CEDEAO et de l’UEMOA d’affairer avec le pays et le régime en place, blocage de tout accès au Nigéria et au Bénin, ses deux principaux voisins de commerce et d’échanges, le premier avec lequel il partage 1500 kilomètres de frontières et le second qui est son plus proche corridor d’accès à la mer, suspension de toute aide extérieure et toute forme de coopération par l’essentiel de partenaires bilatéraux et multilatéraux…Ainsi débute le Niger du Général de Brigade Abdourahamane Tiani le 30 juillet 2023 sur injonction des deux principales organisations ouest africaines que sont la CEDEAO et UEMOA talonnées par le monde occidental. Il a fallu attendre le 24 février 2024 pour voir l’étau se desserrer sur le pays, avec la levée des sanctions sur le pays. Sept (7) mois durant donc, le Niger fut isolé, placé sous embargo total, allant jusqu’à l’arrêt de la fourniture en électricité et en produits pharmaceutiques. Ces sanctions sévères, voire inhumaines jamais appliquées, auparavant, contre un pays de l’espace CEDEAO sont venues se greffer à la situation sécuritaire difficile du pays.


Résilience, résilience, résilience !
En dépit de cette asphyxie total et de ce cocktail explosif, le CNSP est parvenu qu’à même non seulement à protéger l’intangibilité des frontières du Niger, faire face aux attaques des groupes terroristes, assurer, tant bien que mal, le fonctionnement régulier de l’administration publique (l’organisation d’examens scolaires 2023 et 2024 propres est significative) et l’approvisionnement du pays en produits de première nécessité maintenant ainsi l’inflation à un seuil tolérable jusqu’à une certaine date, honorer le paiement à terme échu les salaires des fonctionnaires, les pécules de contractuels, les bourses et allocations des étudiants et élèves.


S’il faut évaluer le Niger, sur une échelle de la résilience, il serait certainement au niveau le plus élevé. Exit ceux qui avaient prédit la catastrophe ! C’est là, le premier et le plus grand succès du CNSP.


Que retenir de la gestion de la situation sécuritaire au cours des 12 mois du CNSP au pouvoir ?
Si les premières semaines qui suivirent l’avènement de l’armée sur la scène politique furent difficiles, donnant l’impression d’une perte de contrôle de la situation sécuritaire (l’attaque terroriste menée contre le site du barrage de Kandadji le 28 septembre 2023 a semé le doute quant à la capacité des nouvelles autorités militaires à faire face à l’ennemi), les FDS nigériennes sont, tout de même, parvenues à prendre l’ascendant sur leurs vis-à-vis. En illustrent, non seulement, l’accalmie relative qui y a prévalu pendant plusieurs mois dans la zone des trois frontières mais aussi la libération de Kidal (ville du septentrion malien aux mains d’irrédentistes et de groupes terroristes liées à Alqaida au Maghreb Islamique) à laquelle le Niger a pris une part active, sans perdre de vue les succès enregistrés par la coordination des trois pays (Mali-Niger-Burkina Faso) contre les sanctuaires de l’Etat Islamique dans le Grand Sahara situés dans la zone de Ménaka.


Toutefois, depuis mai 2024, on assiste à un regain d’activités terroristes dans la zone dite des trois frontières. Baisse de vigilance ou insuffisance de coordination des FDS de l’espace AES (Alliance des Etats du Sahel), ou bien signe de pression intense de celles-ci forçant les groupes terroristes à sortir de leurs retranchements pour prouver leurs capacités de nuisance ? L’un dans l’autre, le sommet de l’AES tenu le 6 juillet dernier à Niamey a certainement donné l’occasion aux dirigeants et à la hiérarchie militaire du Niger, du Mali et du Burkina de revoir leurs stratégies à la hauteur du défi.


Quid de la situation socio-économique ?
Au plan économique et social, l’an 1 du CNSP au pouvoir aura été plutôt une période d’épreuves que celle d’actions de développement. Cela, en raison des sanctions très dures imposées au Niger, sept (7) mois durant, concentrant tous les efforts des autorités sur les défis urgents, à savoir la sécurité et l’approvisionnement continu du pays en produits de première nécessité afin de garantir, ne serait-ce, le minimum à leurs concitoyens. Au regard du contexte, ce n’était pas évident, tout de même, les actions menées furent à la hauteur des défis. Ce d’autant que le CNSP et le gouvernement sont parvenus, dans un pays isolé et coupé de toute assistance extérieure, à couvrir, à minima, les besoins vitaux du pays.
Cependant, il est à noter que la levée des sanctions économiques et financières en février dernier est loin d’avoir produit l’effet escompté. En ce mois de juillet en cours, l’inflation a grimpé pour atteindre son niveau record de l’après coup d’Etat. Ce qui est manifeste à travers la hausse vertigineuse des produits de première nécessité : plus de 40 000 FCFA le sac de mil de 100 kilogrammes, entre 18 000 FCFA et 23 000 FCFA le sac de riz de 25 kilogrammes non subventionné. Comme quoi, malgré l’ouverture des frontières, l’approvisionnement en denrées alimentaires et autres produits de première nécessité demeure toujours une équation non-résolue.


S’agissant de l’assainissement des mœurs publiques, il y a lieu de souligner les performances enregistrées. En 10 mois d’existence, la Commission de Lutte contre la Délinquance Economique, Financière et Fiscale (COLDEFF) mise en place, en septembre 2023, par le Président du CNSP a permis de recouvrer à la date du 19 avril 2024, 43 milliards de FCFA d’avoirs illicites au profit du trésor public (source COLDEFF). Un record ! Dira-t-on. Un travail qui est loin d’être propre, selon ses détracteurs qui dénoncent des méthodes expéditives dans ses démarches. 

Zéro action sur l’engagement du CNSP en faveur d’un retour à une vie constitutionnelle normalE

Au plan politique, c’est le statu quo depuis le 26 juillet 2023. Les activités des partis politiques demeurent suspendues. Le dialogue national inclusif promis n’est toujours pas lancé. Aussi, l’attente des Nigériens de voir le parachèvement des organes de la transition (mise en place d’un Conseil Consultatif National, d’un Observatoire National de la Communication et d’un Observatoire National des Droits de l’Homme pour ne citer que ceux-là) se prolonge, semant le doute, au sein de l’opinion, sur la sincérité du CNSP à honorer son engagement de veiller à un retour du pays à une vie constitutionnelle normale.


Sur le chemin de la souveraineté, le Général Tiani Abdourahamane plus jamais déterminé 


S’il y a un point sur lequel, les Nigériens ont unanimement manifesté leur fierté, c’est l’affirmation de la souveraineté du pays en cette ère de transition. La dénonciation des accords militaires avec la France et le départ de ses troupes stationnées au Niger et les récentes décisions à savoir la remise en cause des contrats d’exploitation uranifère avec le groupe Orano (le géant français du nucléaire) et GoviEx (groupe canadien) ont été fièrement salués. Par contre, les avis furent très partagés au sujet de la brouille avec les USA, les uns soutenant sans réserve la décision du régime et les autres, tout en reconnaissant le caractère léonin de l’accord militaire signé entre Niamey et Washington, préférant une renégociation plutôt qu’une rupture, au regard de l’enjeu sécuritaire dans la partie nord du pays qui abrite la base de surveillance américaine.


En définitive, trois à quatre choses sont à retenir de l’an 1 du CNSP au pouvoir. Points positifs : c’est la résilience, sans commune mesure, du pays à tant d’épreuves (blocus économique et financier total durant 7 mois d’affilé et situation sécuritaire difficile) qui n’aura pas été possible sans l’adhésion et le soutien populaire aux actions et décisions du régime militaire et la maturité d’esprit des dirigeants (Tiani et ses compagnons d’armes ayant une maitrise de la situation sécuritaire du pays) ; c’est aussi l’affirmation claire et nette de la souveraineté manifeste à travers la remise en cause des contrats et accords léonins ; Points négatifs : 5 mois après la levée des sanctions, les autorités peinent à trouver de réponse à l’approvisionnement du pays en produits de première nécessité d’où l’inflation galopante et la cherté de la vie ; 12 mois après son arrivée au pouvoir, le CNSP n’est toujours pas arrivé à parachever la mise en place des institutions de la transition, ou à amorcer le dialogue inclusif national.

Oumar Sanda, le Hérisson