Lazare Eloundou (Unesco): «Le patrimoine mondial permet de renforcer notre mémoire collective»
Le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco est réuni depuis le 21 juillet à New Delhi, en Inde. Lors de cette 46ème session, il a décidé d'intégrer plusieurs sites, notamment africains, dans la liste du patrimoine mondial. Quels sont les sites qui ont intégré cette liste et pourquoi ces choix ? Lazare Eloundou est directeur du patrimoine mondial de l'Unesco et répond aux questions de Pierre Firtion.
RFI : Lazare Eloundou, cinq sites africains rejoignent donc la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Sur ces cinq sites, on note d'abord la présence de trois sites archéologiques en Éthiopie, en Afrique du Sud et au Kenya avec la ville historique de Gedi.
Lazare Eloundou : Le site sud-africain est un site d'occupation du Pléistocène qui est assez intéressant. Les autorités sud-africaines ont lancé énormément de travaux de conservation, de travaux de recherches scientifiques et c'est un nouveau site qui montre la richesse et la diversité de l'Afrique du Sud. C'est la même chose aussi pour le site archéologique de Gedi au Kenya, qui est un site qui est extrêmement bien entretenu, qui a été très bien fouillé, très bien documenté, qui remontre encore la présence vraiment d'une urbanisation très ancienne le long de la côte.
Autre site retenu : la Cour royale de Tiébélé au Burkina Faso. C'est là un ensemble architectural en terre qui est plus récent, qui date du XVIe siècle ?
Oui, tout à fait. C'est un site très riche. C'est un site vivant, encore habité, où il y a une incroyable richesse culturelle, une organisation de la société pour l'entretien de cette Cour royale et les autorités burkinabè continuent de faire des efforts pour sa conservation. Et c'est un site qui n'est pas très grand, mais qui est incroyablement riche et qui mériterait vraiment d'être connu et qui mériterait d'être visité.
Dernier lieu africain à intégrer cette liste du patrimoine mondial : les sites de mémoire de Nelson Mandela, en Afrique du Sud…
Et je dois dire que l'inscription de ce site a été un moment extraordinaire, lors de la session du comité du patrimoine mondial. La majorité des membres du comité ont tous soutenu l'inscription de ce site. Ce qui est important, c'est que ce site continue de passer un message important, non seulement le message de l'Afrique du Sud, mais aussi le message du monde entier, celui de l'importance de l'égalité, de la réconciliation et du pardon. L'ensemble de ces lieux, dont on se rappelle, la Place de Walter Sisulu, le site du Massacre de Sharpeville, le Union Buildings et bien d'autres que moi j'ai visité, que je connais, sont des sites qui nous permettent aujourd'hui de montrer encore pourquoi le patrimoine mondial est si important, parce qu'il permet de renforcer non seulement notre mémoire collective, mais aussi de passer des messages importants qui sont des messages de l'universel.
Que va changer cette inscription sur la liste du patrimoine mondial pour ces sites-là qui ont été retenus ?
Beaucoup de choses. Ça permet de connaître les différents pays, de se rendre compte que ces pays ont une richesse patrimoniale très importante. Mais une inscription au patrimoine mondial pour ces pays permet aussi d'accéder à un large éventail d'assistances technique et financière et ça permet aussi d'amener plus de personnes, plus de voyageurs, plus de tourisme, pour découvrir les histoires que ces sites racontent.
On compte aujourd'hui à travers le monde 1 223 sites classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Plus d'une cinquantaine d'entre eux sont considérés comme en péril. La bonne nouvelle, côté africain, c'est que le plus grand parc naturel du Sénégal, le Niokolo-Koba, a été retiré de la liste de ce patrimoine en péril. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
La communauté internationale, l'ensemble des États membres de l'Unesco, ont considéré que leurs efforts conjoints qui avaient permis de mettre en place un projet ambitieux pour réduire les menaces sur ce site, aujourd'hui ont donné des efforts très satisfaisants, notamment pour essayer de ramener les espèces emblématiques qui existent dans ce grand parc qui étaient en disparition. Et ça, c'est grâce à l'effort aussi du gouvernement sénégalais, des autorités sénégalaises, des professionnels sénégalais. Et je crois que le comité du patrimoine mondial a considéré qu’il fallait cette décision pour reconnaître tous ces efforts et a décidé de le sortir de la liste du patrimoine mondial en péril.
RFI