Opposition Béninoise : Le monstre à 8 têtes
A dix huit mois des élections générales de 2026, l’opposition béninoise n’affiche guère une sérénité. En plus des difficultés de survie inhérentes à toute opposition en Afrique, elle doit faire face à une désorganisation structurelle qui risque d’être très pénalisante pour elle. Surtout face à une majorité présidentielle qui semble se constituer autour de deux grands blocs politiques et d’un homme politique, Patrice Talon qui ne manque pas d’astuces pour mettre en difficulté ses adversaires.
Les élections générales de 2026 s’annoncent comme un test grandeur nature pour la majorité présidentielle constituée autour du président Patrice Talon mais aussi pour l’opposition dont la figure de proue n’est personne d’autre que l’ancien président Boni Yayi. La première a un intérêt vital à conserver le pouvoir pour les intérêts de l’aristocratie au pouvoir alors que la seconde fera feu de tout bois pour prendre le pouvoir et afin rétablir, entend-on, la démocratie et l’Etat de droit qui ont perdu de leurs superbes depuis avril 2016.Le combat sera rude, âprement discuté et surtout impitoyable et le camp qui gagnera sera celle qui mettra le plus l’accent sur l’organisation et la méthode.
Dans cet article, nous parlerons de l’organisation, surtout celle de l’opposition qui ne manque pas d’atouts au regard de sa percée aux dernières élections législatives et de l’expérience de ses leaders. Seulement voilà, elle semble pécher dans la forme d’organisation qu’elle met en place pour aller à ces élections. On voit une multiplicité de partis et de sensibilités politiques qui se réclament tous d’être de l’opposition mais qui n’arrivent pas à se mettre ensemble pour combattre la Talon. La majorité présidentielle, sous l’égide de Patrice Talon et parfois sous ses injonctions, a réussi à se constituer autour de deux grands blocs que sont l’Union Progressiste le Renouveau(UP-R) et le Bloc Républicain(BR), avec deux petits partis satellites que sont Moele-Bénin et La Renaissance Nationale. Entre ces deux grands partis, aucune divergence majeure, les lignes idéologiques ne sont que parodies et les guerres d’intérêt ne sont jamais visibles. Ils ont la chance inouïe d’avoir le même géniteur qui veille sur leurs intérêts et maintient l’équilibre entre ces deux organisations qui ne sont différentes que par les noms.
Monstre à huit têtes contre le Leviathan
En face, une opposition plurielle, diverse, multiforme, multifonctionnelle et même pernicieusement belligérante de l’intérieur. Rien d’étonnant puisque certains partis qui se réclament de cette opposition sont et restent des appendices des partis de la majorité présidentielle ou nés des clonages pervertis d’autres partis de la même opposition. On a pour la première fois parlé d’ « opposition jaune »- allusion au syndicat jaune que les pouvoirs fabriquent pour perturber les vrais syndicats- pour désigner certains de ces partis qui aujourd’hui officient au nom de l’opposition. En récapitulant, on voit une opposition qui a huit visages, huit têtes qui ont noms : Les Démocrates, Les FCBE, le GSR, la NFN, le MPL, Restaurez l’Espoir, Génération Aïvo et un dernier courant qui tourne autour des têtes fortes de l’opposition en exil et de la diaspora politique remontée contre Talon. Dans ce lot, on peut citer Komi Koutché, Valentin Djènontin, Omar Arouna, Lehady Soglo et dans une moindre mesure l’homme d’affaires Martin Rodriguez. Cinq figures de proue, cinq discours différents, cinq stratégies différentes même si les trois premiers semblent, à quelques nuances, plus proches du parti Les Démocrates.
L’opposition elle, se retrouve alors avec 8 têtes qui se battent entre elles. Les FCBE ont longtemps combattu les Démocratiques avant que l’adoption du Code Electoral en mars dernier ne les réunit de manière conjoncturelle. Leurs dirigeants sont d’ailleurs étiquetés comme des « traitres » par certains responsables du parti Les Démocrates. Le GSR et le NFN vivent une opposition osée et responsable à l’ombre des Démocrates et n’ont pas jusque là pris des positions pour affaiblir le grand parti de l’opposition. Mieux, ils les ont soutenus.
Mais avec le MPL, les relations sont plutôt tièdes, voire même de méfiance. Ce parti qui s’est illustrée négativement lors des dernières élections législatives à travers des pugilats de ses responsables pour le partage de fonds « occultes » de campagne a toujours fait le service minimum comme un parti d’opposition. La dernière déclaration de son premier responsable Expérience Tèbè qui affirme que le MPL ne peut se fondre dans les Démocrates puisque c’est un parti de jeunes. L’alibi est bien trouvé. Depuis quelques mois, on voit « Génération AÏVO », le mouvement politique éponyme du professeur Frédéric Joël Aïvo, en prison depuis 2021, qui sort la tête de l’eau. Ses sorties se font plus fréquentes sur le terrain, preuve que ce nouveau groupe politique veut se donner une certaine visibilité et une autonomie d’actions loin des regards paternalistes du plus grand parti de l’opposition.
Le parti Restaurez l’Espoir est lui, singulier au sein de cette opposition plurielle puisqu’il lance ses flèches aussi bien contre Patrice Talon qu’il veut chasser du pouvoir et contre Les Démocrates qu’il accuse fréquemment d’intelligence avec ce dernier. L’opposition ressemble à un monstre dont les 8 têtes se combattent entre eux. Face à elle, un Léviathan, un autre monstre qui terrorise et opprime tout le monde.
Le monstre à 8 têtes doit réussir à faire sa mue et à transformer ses 8 têtes antagonistes en une, seule, grande, forte, dominante qui cracherait du feu et qui pourrait intelligemment terrasser le Léviathan. Il faut donc une action urgente pour aplanir les querelles intestines, conjuguer les forces, harmoniser les stratégies et faire un seul combat : celui de la conquête du pouvoir. Un chantier immense et audacieux que seul Boni Yayi a la carrure et l’étoffe pour conduire. Le réussira-t-il ? Là est une autre paire de manche. (A suivre)
Le Patriote Bénin