Pourquoi l’absence de Yayi et Soglo au « 1er Août » retient l’attention au Bénin ?
Les anciens présidents béninois, Nicéphore Soglo et Boni Yayi restent aujourd’hui au Bénin, des personnalités très attendues. Leurs faits et gestes sont scrutés minutieusement par l’opinion à raison.
L’absence des anciens présidents béninois, Nicéphore Soglo et Boni Yayi, au défilé militaire de la célébration officielle du 64è anniversaire de l’accession du Bénin à l’indépendance, le jeudi 1er août 2024 a fait l’objet de tous les commentaires. L’information officielle qui a circulé n’a pas non seulement convaincu plus d’un, encore moins émoussé les ardeurs d’en savoir d’avantage. Chacun y va avec ses méthodes et arguments pour se faire sa vérité.
Devenus une sorte d’interface entre le président en exercice, Patrice Talon, dont le mandat court jusqu’en mai 2026, et les voix discordantes, l’opposition notamment ; leur statut est dans une certaine proportion celui de portevoix de cette frange de l’opinion reléguée à elle-même dans un climat politique délétère et un air de nivellement de toute opposition au pouvoir, entre oppression et dérision.
Même s’ils n’en font pas parfois exception avec des sorties ciblées de quelques thuriféraires du régime de Cotonou, leur carapace d’ancien président reste une armure qui malgré tout finit par s’imposer, face aux récriminations publiques de soutiens politiques qui pour une raison ou une autre ne manquent de jeter leur dévolu sur eux, principalement Boni Yayi, pour justifier leur rang de mouvancier, ou légitimer des actions du pouvoir, désapprouvées par l’opinion ou l’opposition.
Ils en sont devenus une unité de mesure, à tel enseigne que Boni Yayi, n’a pas boudé prendre la tête du principal parti d’opposition du pays.
De ce fait, ses actions sont perçues sur deux volets ; celui de l’opposant au régime et de l’ancien président, prédécesseur immédiat de Talon dont le bilan est présenté comme une caution de certaines décisions et modes de gouvernance visant à rectifier le sien.
Conséquences logiques ?
Alors qu’ils ne sont plus aux affaires, leur cote de popularité reste l’une des plus en vogue depuis ces dernières années.
Les anciens présidents, Nicéphore Soglo et Boni Yayi,représentent depuis un certain temps, le contre poids parfait du président en exercice Patrice Talon, dont la gouvernance, ne laisse d’espace à l’expression de potentiels acteurs politiques voir des voix discordantes. Depuis que des leaders de l’opposition sont contraints à l’exil, ou emprisonnés et que des institutions de contrepouvoir laissent à désirer au sein de l’opinion, ils en sont devenus une sorte de baromètre de l’opinion béninoise sur la gouvernance du pays par leur successeur.
En 2019 Boni Yayi a été assigné à résidence pendant 52 jours de fait, aux lendemains de violentes tensions dans le pays, notamment à Cotonou des suites des législatives exclusives, du 28 avril, avant qu’il ne soit autorisé à quitter le pays en direction de Lomé, pour ne revenir que bien après.
En marges de la présidentielle de 2021, la candidate du parti d’opposition les Démocrate Réckya Madougou a été arrêtée et condamnée à 20 ans de prison pour « financement du terrorisme ». Candidat à cette même élection, le constitutionnaliste Joël Aïvo, a également été arrêté aux lendemains du scrutin et condamné à 10 ans de prison pour « blanchiment de capitaux ».
Saisissant l’occasion des meetings politiques de son parti, Boni Yayi ne cesse d’interpeler son successeur sur ses attentes devant les militants depuis qu’il est fait président du principal parti de l’opposition en 2023. C’est le cas en juin dernier à Porto-Novo, où il a évoqué la relecture du code électoral en prélude à la présidentielle de 2026.
Une démarche qui fait suite à l’audience au palais de la Marina fin 2023, où il avait plaidé pour la remise en liberté des détenus politiques notamment Madougou et Aïvo, ainsi que des jeunes incarcérés en marge de la présidentielle de 2021, et le retour des exilés politiques.
Quant à Nicéphore Soglo dans ses prises de positions, il n’a non plus manqué de relever ses attentes sur les mêmes sujets, notamment les cas Aïvo et Madougou ainsi que des exilés politiques. Très virulent à l’endroit de son successeur dans le dossier du Niger, l’entrée en médiation en juin dernier aura été un élément qui a laissé entrevoir un bémol vis-à-vis de ce dernier.
Le contrepied parfait ?
Alors qu’ils ne sont plus aux affaires leur présence au défilé du premier août reste l’une des plus attendues et scrutées. A tort ou à raison, Yayi et Soglo représentent pour beaucoup une sorte de baromètre de la gouvernance politique du pays. Depuis que les deux anciens présidents ont été rapprochés par la force des choses, opposés à la gouvernance de leur successeur, Patrice Talon, sur bien de dossiers politiques, ils forment une paire de figures politiques de proue.
Selon des propos rapportés par divers médias, un malaise de l’ex-président Nicéphore Soglo est la cause de l’absence des deux anciens présidents au défilé du premier août.
Annonçant la veille de l’évènement prendre part aux festivités, après avoir dressé une litanie de récriminations, optant pour la nécessité d’un dialogue face à la situation sociopolitique du pays, le parti d’opposition présent au parlement Les Démocrates a été fortement représenté par une délégation à l’évènement. L’absence des anciens présidents, dont la présence aurait pu paraitre comme le comble pour Talon d’avoir à ses pieds tous les acteurs politiques majeurs du pays aux yeux de l’opinion, en dépit de la stratégique unité nationale clamée au bout des lèvres par certains soutiens du régime, est apparue comme une contrepartie pour ceux qui dès les premières heures de l’annonce de l’opposition se sont dressés contre une telle décision, d’être présente à cet événement.
A quelque chose, l’absence des anciens présidents aura contenté les attentes de ces derniers.
Polémique fondée ?
La polémique née de l’absence des ex-présidents Nicéphore Soglo et Boni Yayi à la cérémonie officielle de célébration du premier Août 2024, au-delà de tout reste évocatrice. Toutefois, il est à noter que l’invitation à un évènement fut-il national ou officiel n’est pas une injonction et on peut y accéder ou décliner l’offre. Que ce soit de manière franche ou de façon décousue.
L’absence des anciens présidents ne devrait en réalité être le point d’orgue de la célébration du 64è anniversaire de l’accession du Bénin à la souveraineté nationale et internationale. Mais si tel est le cas, c’est qu’il y a des velléités dont on s’attend à maquiller par leur présence ou constater du fait de leur absence.
Dans le cas actuel, il y a une raison officielle qui est avancée, notamment, l’état de santé de l’ex-président Nicéphore Soglo. A 89 ans, quelqu’un qui fêtera son 90è anniversaire le 29 novembre prochain, ne saurait être soumis à une récrimination pour sa santé, qui est de l’ordre normal des choses.
Surtout quand il a été actif, comme c’est le cas ces derniers jours, avec la médiation conduite au Niger, et la présence lors de la visite de la partie nigérienne au Bénin.
Pour ce qui est des intrigues, cela ne devrait étonner personne quand on sait que nombre d’attentes des anciens présidents sur la politique intérieure du pays restent en suspens. De la question des détenus politiques et exilés en passant par le code électoral, voir la demande d’une assise nationale.
Certains de ces points auraient été levés, que bien qu’empêchés, leurs messages pourraient témoigner des mots de regret. Surtout quand ils sont contient de leurs vis à vis, et de l’interprétation qui pourrait être faite de l’image communicative envoyée dans l’opinion à cet événement.
Sur un autre volet, leur impartialité dans le rôle de médiateur dans la crise avec le Niger les emmène aussi à adopter une certaines postures pour ne pas saper ce qui se fait.
Quel qu’en soit le bienfondé ou non de la raison, officielle avancée, on ne peut que souhaiter prompt rétablissement à l’ex président espérant de ses meilleures nouvelles sous peu et sa disponibilité quand sa nécessité de servir la Nation sera de mise.
En attendant, leurs loyaux services, les anciens présidents Nicéphore Soglo et Boni Yayi peuvent passer de bonnes retraites après tout le mérite du travail abattu jusqu’ici.
La polémique née de ce contexte ravive l’assertion selon laquelle, «A chacun sa vérité».
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