Dossier: risque de tension internationale autour de l’uranium nigérien
Septième producteur mondial d’uranium, le Niger possède aussi les minerais les plus riches du continent africain. Le pays fournit 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel et en 2022, il a fourni plus d’un quart de l’uranium utilisé dans l’Union européenne.
La France, l’ex-puissance colonisatrice, dépend du Niger pour assurer un peu plus de 15 % de ses besoins en uranium.
Alors que celle-ci est en train de perdre la place qu’elle occupait dans l’exploitation de l’uranium nigérien, de nombreux autres acteurs se positionnent sur le secteur. Les États-Unis en particulier sont décidés à ne pas laisser le Russe Rosatom mettre la main sur l’uranium nigérien. L’African Discovery Group (AFDG), basé aux États-Unis, a signé une lettre d’intention pour acquérir la licence de la société nigérienne Central Global Access International Niger (CGAIN) pour la mine d’Ouricha-3. AFDG a pour objectif de créer une société d’exploration d’uranium avec pour objectif de créer de la valeur autour des bassins d’uranium sous-explorés en Afrique.
Dans le cadre de cette transaction, AFDG va émettre des actions au profit du titulaire du permis et de l’équipe d’exploitation existante. La transaction devrait permettre aux actionnaires d’AFDG de conserver la majorité du capital de la société. Le gouvernement nigérien va de son côté conserver une participation dans les opérations de la licence du Niger après recouvrement des coûts. La transaction devrait être finalisée au quatrième trimestre 2024, après quoi la société changera de nom pour devenir African Uranium. « En travaillant de concert avec le gouvernement du Niger, African Uranium créera des compétences locales pour développer l’industrie nucléaire très prometteuse du continent. » a affirmé AFDG.
Ouricha-3 est situé à égale distance des mines d’Arlit et d’Agadez. La proximité des lignes électriques et d’une autoroute sont des éléments clés du développement de nouvelles mines. Le permis se trouve à 15 km au sud d’Imouraren, qui contient l’une des plus grandes réserves d’uranium au monde avec 200 000 tonnes. La majeure partie du gisement Ouricha-3 a été explorée par Areva en 2006. De nombreuses anomalies de surface ont été identifiées, mais n’ont pas été pleinement étudiées par les programmes d’exploration.
Alan Kessler, président de l’AFDG, a déclaré que son entreprise changeait de paradigme. « La confluence d’un certain nombre de facteurs–la transition énergétique mondiale, l’attention renouvelée du monde entier sur l’uranium en tant que source d’énergie verte, les rendements africains inégalés, le redémarrage du programme d’énergie nucléaire du Japon, ainsi que le Sommet mondial sur l’action climatique… en décembre 2023… sont tous à l’origine d’un déséquilibre entre l’offre et la demande » a-t-il déclaré. Or, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’uranium devrait connaître un déficit d’approvisionnement cumulé d’environ 1 milliard de livres d’ici à 2040 et l’Afrique est la clé.
Ces déclarations indiquent clairement que l’uranium nigérien va continuer à faire l’objet d’une forte convoitise.
Selon un rapport de Bloomberg, les ministres turcs des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Énergie se sont récemment rendus au Niger pour s’assurer de l’approvisionnement en uranium de la centrale nucléaire d’Akkuyu construit par Rosatom. Cette information a été démentie par le Centre de lutte contre la désinformation de l’administration du président turc Recep Tayip Erdogan. Le Centre a indiqué que la Turquie n’a présenté aucune initiative au Niger concernant la fourniture d’uranium nécessaire au projet de centrale nucléaire d’Akkuyu.
Actuellement, les satellites d’observation français et des satellites Airbus Pléiades Neo surveillent les mines d’uranium d’Arlit pour détecter d’éventuels visiteurs. Bien que les mines d’uranium soient fermées depuis le coup d’État de juillet 2023, de l’uranium prêt à être exporté reste sur le site. Selon de nombreux experts, l’occident craint que le Niger ne le vende à l’un de ses nouveaux alliés, à savoir la Russie ou l’Iran. La Chine utilise également des satellites haute définition de Changguang Satellite Technology pour surveiller la zone. Seul le Niger, principal concerné, ne semble pas disposer de drone pour surveiller ces secteurs hautement sensibles.
Mawulolo Ahlijah,Les Echos du Niger