Politique

AES-CEDEAO: Les avantages d’un divorce à l’amiable, les conséquences d’une séparation brutale

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A compter du 29 janvier prochain, les trois pays composant la Confédération dénommée Alliance des Etats du Sahel (AES) à savoir le Mali, le Niger le Burkina Faso ne seront plus membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Au niveau des populations des deux espaces, on se prépare à vivre son nouveau futur avec craintes et incertitudes.


Compte à rebours !
Tic-tac ! Tic-tac ! A Bamako, Niamey et Ouagadougou, on commence à compter les jours. Pour l’AES, point d’une période moratoire à observer à après cette date fatidique. Autrement dit, libre cours à la CEDEAO de s’en tenir à sa nouvelle date prolongée à juin 2025. Quid de la médiation confiée au sénégalais Bassirou Diomaye Faye et au togolais Faure Gnassingbé Eyadema par l’organisation ouest africaine de ramener les trois pays ‘’rebellés’’ à la ‘’maison’’ ? Aucun espoir de la voir aboutir. Il n’y aura de miracle ! Pas le moindre signe d’un fléchissement de position dans les capitales des trois pays membres de l’AES. Les récents propos de M. Robert Dussey, chef de la diplomatie togolaise qui n’exclut pas l’entrée de son pays au sein cette même AES sont révélateurs de l’état d’esprit du médiateur Faure. Le Secrétaire exécutif de la CEDEAO, Omar Turay, lui-même, en jetant les bases des discussions du retrait des trois pays, à travers des correspondances, à eux, adressées, ne jette-t-il pas finalement l’éponge, devant la réalité des faits ?


Comment le divorce va-t-il se concrétiser ?
La rupture ne donnera pas lieu à une modification des frontières héritées de la colonisation encore moins à la fin de la libre circulation des personnes et des biens entre les deux espaces. S’agissant justement de ce second point, dans leur déclaration conjointe à la veille du tout dernier sommet de la CEDEAO tenu le 15 juin à Abuja, la capitale nigériane, les trois dirigeants de l’AES que sont les Généraux Abdourahamane Tiani et Assimi Goita respectivement pour le Niger et le Mali et le Capitaine Ibrahim Traroré du Mali ont réaffirmé leur volonté de ne pas y toucher. Quitte pour ceux de la CEDEAO à opter pour le durcissement. Mais iront-ils jusqu’à ramer à contrecourant des aspirations quotidiennement exprimées de leurs peuples de tout faire pour préserver les liens socioculturelles et économiques séculaires ? On ne voit pas Bassirou Diomaye Faye, Faure Eyadema Gnassingbé, Patrice Talon (du Bénin) ou encore un John Dramani Mahama (Ghana) sur une position rigide à l’encontre des pays de l’AES. Si les deux premiers n’ont jamais manqué d’affiché leur solidarité aux trois pays membres de l’AES leur solidarité, le Ghana qui vient de supprimer le visa pour tous les ressortissants du Continent rejoignant ainsi le Bénin et trois autres pays (Rwanda, Gambie et Seychelles) ne va pas se fermer à l’AES.

Les avantages d’un divorce à l’amiable

Un divorce à l’amiable, c’est-à-dire sans palabres, garantirait les intérêts des peuples de deux espaces ! C’est dans cette voie que doivent s’engager les deux parties.


Il s’agira ici de laisser libre cours la circulation des personnes et des biens. Le Niger et le Nigéria garderont pour l’éternité leurs 1500 kilomètres de frontières communes. Les Etats du nord du Nigéria et les régions du Sud du Niger condamnés par l’histoire et la géographie à vivre ensemble. On trouvera des liens similaires entre le Mali et la Côte d’Ivoire, entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.


Il s’agira aussi d’ouvrir la voie à une coordination véritable en matière de défense et de sécurité face à un ennemi commun qui s’appelle terrorisme et criminalité transfrontalière. La CEDEAO et l’AES ne gagneront pas ce combat séparément. Le Niger, le Bénin, le Burkina Faso et le Nigéria n’ont aucun autre choix que de mutualiser leurs renseignements et leurs opérations militaires pour venir à bout de terrorisme.
Il s’agira, également, d’assumer ensemble des grands chantiers économiques, à savoir le libre-échange, la réalisation d’infrastructures qui contribueront au désenclavement et au développement des échanges. Par exemple le divorce CEDEAO/AES ne doit aucunement remettre en cause le projet du gazoduc Nigéria-Niger-Algérie.


Les conséquences d’une séparation brutale
Une séparation brutale, c’est à dire une rupture sans un minimum de compromis sera fatale pour les deux parties, aussi bien pour leurs économies et leurs populations (notamment celles frontalières) que pour leur sécurité. La dégradation des termes de l’échange dans les pays sahéliens, sans littoral, manifeste à travers l’inflation galopante, la baisse de la demande des marchandises et des exportations dans des pays côtiers comme le Bénin et la montée de l’insécurité liée au terrorisme et au grand banditisme le long des zones frontalières de certains pays du Sahel et du Golfe de Guinée (frontière Niger-Nigéria, frontière Burkina-Bénin ou frontière Burkina-Togo), à, seulement, ce niveau de relations tendues, donnent la mesure de l’ampleur des conséquences d’une rupture brutale entre la CEDEAO et l’AES. Aussi si l’aile dure de la CEDEAO, visiblement minoritaire, venait à vouloir compliquer les conditions du retrait des trois pays membres de l’AES, elle fera courir le risque d’un nouvel effritement à une organisation ouest africaine déjà mal-en-point. On voit mal le Sénégal, le Togo, la Cap Vert et la Guinée Conakry qui affichent, à certains égards, de la sympathie pour les juntes malienne, nigérienne et burkinabé, le Bénin et le Ghana qui ont supprimé le visa pour tout ressortissant africain, tous membres de la CEDEAO, dans une prochaine relation conflictuelle avec l’AES.


Au regard, justement, de ce qui précède, c’est-à-dire des relations bilatérales normales entre les pays de l’AES et plusieurs de la CEDEAO, il y a lieu de garder sa tête sur les épaules. Le ciel ne tombera sur le Sahel après les dates fatidiques du 29 janvier et 29 juillet 2025. Tout au plus, la perte de quelques acquis commerciaux et économiques pour l’une (AES) et l’autre (CEDEAO).


Oumarou Kané